samedi 28 septembre 2013

G comme... Golfe du Tonkin (incident du)

Un événement majeur qui va précipiter l'intervention directe des Etats-Unis au Sud-Viêtnam, via la résolution du même nom. Le 31 juillet 1964, le destroyer USS Maddox entame un circuit de reconnaissance au large des eaux territoriales du Nord-Viêtnam. Il transporte du personnel radio supplémentaire pour intercepter les communications radio nord-viêtnamiennes, mais ce n'est pas à proprement parler un bâtiment de guerre électronique. A la même époque, les Etats-Unis dont déclenché des opérations clandestines contre les côtes du Nord-Viêtnam, à l'aide de petites embarcations norvégiennes "Nasty", montées par des Sud-Viêtnamiens mais dirigées par des Américains, dans le cadre de l'OPLAN 34A. Ces bâtiments sont basés près de Da Nang. Deux îles au large de la côte du Nord-Viêtnam sont attaquées dans la nuit du 30 au 31 juillet, et deux points de la côte sont bombardés dans la nuit du 3 au 4 août. Une île est pilonnée et l'équipage d'un navire de pêche ramené au Sud pendant la nuit suivante. Le Maddox doit relever le maximum d'informations sur les défenses côtières, et les Américains déclenchent sciemment ces opérations nocturnes pour les mettre sur le qui-vive.

Dans la nuit du 1er août, le Maddox approche de l'île de Hon Me, attaquée dans la nuit du 30 au 31 juillet. Mais les défenses vont se révéler plus solides que prévu. L'après-midi du 2 août, trois navires lance-torpilles quittent l'île et se dirigent vers le destroyer. L'attaque à la torpille échoue et les vedettes nord-viêtnamiennes subissent des dégâts de par le tir des canons du destroyer et par l'intervention de 4 appareils du porte-avions Ticonderoga qui tombent sur elles en pleine retraite. Les Américains pensent, visiblement à tort, avoir coulé une vedette. Le président Johnson n'ordonne pas de frappes de représailles, pensant à une confusion dans la chaîne de commandement nord-viêtnamienne.

Le 3 août, le Maddox revient patrouiller dans le golfe du Tonkin avec un autre destroyer, le Turner Joy, de manière plus prudente cette fois. Les ordres éloignent les deux destroyers de la côte nord-viêtnamienne et interdisent même la section nord du golfe, ce qui empêche le Maddox, aussi, de collecter des renseignements. De nombreux marins, ainsi que le capitaine, John Herrick, pensent qu'une autre attaque des vedettes peut survenir à tout moment. Pendant deux heures, la nuit du 4 août, la situation devient très confuse. Le Turner Joy tire sur des objets visibles sur son radar que le Maddox ne voit pas, tandis que celui-ci intercepte des bruits qu'il interprète comme étant les moteurs des vedettes que le Turner Joy ne détecte pas sur son sonar. Certains marins sont convaincus d'avoir été attaqués par des vedettes, d'autres, qui semblent faire pencher la balance en leur faveur, sont persuadés d'avoir eu à faire à des perturbations atmosphériques, des crêtes de vagues ou même des animaux marins.

A Washington, on adopte la thèse de l'attaque, d'autant plus qu'on argue de communications nord-viêtnamiennes interceptés qui confirmeraient l'incident -que la NSA a déclassifié en 2005-2006, et qui ont sans doute été mal interprétées. Bien des années plus tard, le secrétaire à la défense Robert McNamara rencontre Giap qui lui garantit qu'il n'y a pas eu de seconde attaque. Johnson ordonne des frappes de représailles (opération Pierce Arrow) qui ont lieu dès l'après-midi du 5 août. Deux jours plus tard, il fait voter par le Congrès, à la quasi unanimité, la résolution du golfe du Tonkin qui lui donne les mains libres pour repousser l'agression communiste contre le Sud-Viêtnam. Politiquement, c'est un coup de maître car la population apprécie la gestion de l'affaire par le président et soutient sa politique au Viêtnam. Mais à long terme, l'effet est dramatique car ni la population ni le Congrès ne sont au courant de l'OPLAN 34A et des missions secrètes contre les côtes du Nord-Viêtnam, et ont été trompés sur les buts réels de l'administration Johnson. Beaucoup d'Américains penseront ensuite que la seconde attaque a été montée de toutes pièces et a simplement servi de prétexte.


Pour en savoir plus :


Edwin E. MOISE, "Gulf of Tonkin Incident", in Spencer C. TUCKER (éd.), THE ENCYCLOPEDIA OF THE VIETNAM WAR. A Political, Social, and Military History, Second Edition, ABC-Clio, 2011, p.435-436.

2 commentaires:

  1. "dont on ne connaît toujours par le texte" -> les rapports d'époque, qui comprenaient des extraits des textes, ont été déclassifiés en 2005-2006. Ils sont consultables sur
    http://www.nsa.gov/public_info/declass/gulf_of_tonkin/index.shtml.

    Amicalement

    RépondreSupprimer
  2. Bonsoir,

    Oui, j'ai suivi bêtement la source sans tilter sur l'information (!). De toute façon Edwin Moïse avait déjà, même sans les documents, établi que les conversations nord-viêtnamiennes interceptées avaient été mal comprises (notamment parce qu'elles parlaient, en fait, du premier incident).

    Cordialement.

    RépondreSupprimer