Pour fêter la parution du livre aujourd'hui, je vous propose en exclusivité un passage coupé du livre, que j'ai dû retirer faute de place de façon à faire une synthèse plus efficace -comme je l'ai dit dans ma présentation du livre, faire en synthèse du Têt en moins de 200 pages relève presque de la gageure... ce morceau "coupé" faisait partie du chapitre 4 sur la "bataille des frontières", la phase de diversion de l'offensive du Têt. Cette phase de diversion vise à attirer les forces américaines hors des zones côtières et peuplées, à améliorer la coordination entre troupes nord-viêtnamiennes et Viêtcong, et à protéger la logistique de l'offensive qui passe par la route Hô Chi Minh. Elle commence dès le mois de septembre 1967 avec le siège de Con Thien, près de la zone démilitarisée, que j'évoque ici, se poursuit avec les coups de sonde sur Song Be et Loc Ninh, que j'évoque également ici, et se termine avec la bataille de Dak To et les manoeuvres autour du camp de Khe Sanh, que j'ai choisies de conserver dans le livre car elles étaient les plus emblématiques de ce moment de l'offensive du Têt. Bonne lecture !
Le siège de Con Thien (septembre 1967)
Con
Thien (la « colline des anges » en viêtnamien)
est un poste avancé des Marines situé à 16 km au nord-ouest
de Dong Ha, au sommet de la colline 158, et qui domine la zone
démilitarisée. C'est la base la plus à l'est d'une ligne de
positions américaines courant à l'ouest depuis Khe Sanh et Camp
Carroll, qui doit protéger les deux provinces les plus au nord du
Sud-Viêtnam, Quang Tri et Thua Thien, contre les infiltrations
nord-viêtnamiennes ou une invasion à plus grande échelle. Le
secrétaire à la Défense McNamara, promoteur de l'idée, a donné
son nom à cette « ligne » fortifiée garnie de
mines et de senseurs censés arrêter le flot de Nord-Viêtnamiens
progressant vers le Sud, et qui est loin d'être terminée en 1967.
Le
8 mai 1967, après un barrage de mortiers et de roquettes, Con Thien
subit un assaut en règle de la part des Nord-Viêtnamiens qui
emploient des lance-flammes pour attaquer les bunkers. Deux tracteurs
amphibie sont détruits par des tirs de RPG ou des charges satchel
avant que les assaillants ne soient repoussés. Dans la deuxième
moitié du mois de mai, les Marines mènent une pénétration
conséquente dans la partie sud de la zone démilitarisée (opération
Hickory) afin,
notamment, d'évacuer la population civile présente pour mieux
établir la ligne McNamara. Le 2 juillet, la compagnie B du 1st
Battalion, 9th Marines, tombe dans une
embuscade sur la route 561 à proximité de la base : elle est
quasiment anéantie par le 90ème régiment nord-viêtnamien et perd
plus de 200 tués et blessés dans ce qui est l'un des plus grands
désastres jamais subis par une compagnie de Marines au
Sud-Viêtnam. Le 1st Battalion, 9th
Marines, secoué, est renforcé par le 3rd
Battalion, 9th Marines et le 1st
Battalion, 3rd Marines. Le 5 juillet, un
obus nord-viêtnamien de 152 mm pulvérise le poste de commandement
du bataillon de 9th Marines. Le 6,
Con Thien subit pendant deux jours un assaut terrestre mené par un
régiment nord-viêtnamien qui monte à l'assaut en vagues humaines,
subissant de terribles pertes, les bo doi
(nom donné aux soldats de l'armée nord-viêtnamienne)
continuant à progresser malgré des pertes terribles pour jeter des
charges de TNT sur les bunkers américains. La base est aussi la
cible de quelques 130 pièces d'artillerie nord-viêtnamiennes
placées dans des positions bien camouflées au nord de la rivière
Ben Hai, qui coupe en deux la zone démilitarisée. Les Marines
répliquent par plusieurs opérations en juillet et en août, tuant
dans l'oeuf des tentatives nord-viêtnamiennes d'emporter la base.
Source : http://www.usmcvta.org/wp-content/uploads/2010/08/ArcLite-ConThien.jpg |
En
septembre 1967, ce sont les éléments de toute une division
nord-viêtnamienne qui renouvellent l'attaque, sans succès. Echouant
à venir à bout de Con Thien par des assauts terrestres, les
Nord-Viêtnamiens accroient alors le pilonnage d'artillerie. Celui-ci
atteint son paroxysme pendant la semaine du 19 au 27 septembre,
lorsque plus de 3 000 obus de canons, de mortiers ou roquettes
frappent les installations américaines. Les Américains répondent
par des tirs massifs d'artillerie (dont ceux de navires de guerre
croisant au large de la côte sud-viêtnamienne) et par des frappes
aériennes tout aussi conséquentes, dont 790 sorties de bombardiers
B-52. Dans le même temps, le 10 septembre, le 810ème régiment
nord-viêtnamien, qui a revêtu pour l'occasion des gilets
pare-balles et des casques empruntés aux Marines, s'en prend
au périmètre du 3rd Battlion, 26th
Marines non loin de Con Thien. Il faut un soutien massif en
artillerie et en aviation pour venir à bout de l'attaque, qui met
hors de combat un char lance-flammes M67 des Marines au RPG.
L'appui-feu américain inflige de lourdes pertes aux Nord-Viêtnamiens
et dès le 4 octobre, le siège de Con Thien est considéré comme
levé par le MACV.
Song Be et Loc Ninh : une répétition (octobre-novembre 1967)
Cependant,
les Nord-Viêtnamiens n'en restent pas là et lancent de nouveaux
assauts le long de la frontière avec le Cambodge. Le 27 octobre, un
régiment nord-viêtnamien attaque le poste de commandement d'un
bataillon de l'ARVN à Song Be, dans la province de Phuoc Long, dans
la zone tactique du IIIème corps.
Source : http://m0.i.pbase.com/g1/38/800338/2/107198110.3Hfy6pP6.jpg |
Le
général Pham Quoc Thuan, un proche du président Thieu, commande la
5th Infantry Division de l'ARVN qui
protège Saïgon. Elle défend en particulier la ville contre les
assauts en provenance du Cambodge. La route n°13, qui mène à Phnom
Penh, traverse le secteur de la division sud-viêtnamienne. C'est
contre elle que le général Hoang Van Tai, qui a remplacé le
général Chi Thanh à la tête du commandement militaire de l'Office
Central du Sud-Viêtnam, décide de porter un coup destiné à
détourner l'attention de l'acheminement des renforts et des
préparatifs divers en vue de l'offensive du Têt. Il s'agit aussi de
fournir une expérience en termes d'offensive coordonnée entre
plusieurs unités. Le choix se porte sur Loc Ninh, une capitale de
district sur la route n°13 à 110 km au nord de Saïgon.
Initialement,
le 271ème régiment viêtcong doit mener l'attaque mais il
est bientôt engagé dans une embuscade contre un bataillon de la 1st
Infantry Division stationnée non loin de là. C'est donc le
88ème régiment nord-viêtnamien qui ouvre le combat en attaquant un
poste de commandement d'un des bataillons de la 5th
Infantry Division le long de la Song Be, une rivière coulant non
loin de Loc Ninh. Deux jours plus tard, la ville se trouve à son
tour au coeur des combats. Comptant 10 000 habitants dont la plupart
travaille encore dans les plantations de caoutchouc environnantes,
Loc Ninh a été jusque là peu touchée par le conflit. Les Special
Forces ont installé un camp de CIDG en décembre 1966, près de
l'aérodrome de la ville, non loin du QG de l'ARVN qui dispose
également de deux compagnies des Forces Régionales aux effectifs
incomplets.
Source : http://m1.i.pbase.com/g5/38/800338/2/100755531.HAxNoUpb.jpg |
Le
29 octobre, à 1h15, le camp des Special Forces est bombardé
par l'artillerie, puis le 273ème régiment viêtcong emporte
le quartier général du district. L'ARVN parvient à se maintenir
dans une toute petite partie du bâtiment et fait tirer pas moins de
600 obus sur l'adversaire, puis certains sur ses propres positions,
les combats étant très rapprochés. Les Special Forces
envoient deux compagnies dans la ville en appui d'une autre de
l'ARVN. Bientôt, le général Thuan arrive en hélicoptère avec des
renforts de la 5th Infanry Division
tandis que les Américains déploient des éléments d'une brigade de
la 1st Infantry Division, dont
une partie de son artillerie qui expédie 2 300 obus supplémentaires
sur Loc Ninh. Le Viêtcong se retire dans l'après-midi. Mais
deux jours plus tard, le 31 octobre, les 272ème et 273ème régiments
viêtcong repartent à l'assaut, le 271ème régiment étant
tenu en réserve. Cinq attaques se brisent contre la puissance de feu
américaine et les cadavres de viêtcongs jonchent le sol. Les
Américains trouvent sur les morts des copies chinoises de l'AK-47,
le Type 56, flambant neuves. Puis, le 2 novembre, les 141ème et
165ème régiments nord-viêtnamiens montent eux aussi en ligne, sous
le feu de 4 000 obus d'artillerie et de missions Arc Light
menées par les B-52. Les Américains doivent engager deux bataillons
de la 1st Infantry Division et l'ARVN
fait appel à des éléments de la 18th
Infantry Division pour repousser le Viêtcong et les
Nord-Viêtnamiens, qui se replient finalement le 8 novembre.
Source : http://m2.i.pbase.com/g1/38/800338/2/112534792.H8oKgeGJ.jpg |
Cette
attaque sur Loc Ninh est la première menée par l'Office Central du
Sud-Viêtnam qui coordonne des éléments provenant de plusieurs
divisions. Cet assaut a en fait été l'occasion pour les unités du
Viêtcong et nord-viêtnamiennes de peaufiner leurs tactiques
en combat urbain et de tester la réaction de l'ARVN et son
utilisation de la puissance de feu au coeur d'une ville ravagée par
les combats.
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