Le terme Dau Tranh est employé par Giap, Hô Chi Minh et Truong Chinh, les dirigeants du Nord-Viêtnam, pour désigner la théorie d'une guerre longue, populaire, qui est, pour Truong, incompréhensible aux yeux des Occidentaux. Le terme implique la mobilisation totale de la nation, les familles sont impliquées, toute idée même de "non combattant" est évacuée : ce qui est correspond au dau tranh (combat).
Le dau tranh comprend deux versants, le politique et le militaire, qui opèrent ensemble pour assurer la victoire, et non séparément. Le volet militaire inclut les opérations armées ou les violences commises au cours des combats. Le volet politique regroupe la mobilisation de l'individu et de la société, leur organisation, leur motivation. Une autre interprétation fait du dau tranh "le peuple comme outil de la guerre". Cette stratégie se décline en trois phases : contrôle de la population, modelage de celle-ci en un outil de guerre, puis frappe en la lançant dans la bataille. C'est une stratégie politique dans le sens où chaque révolution est avant tout politique. La violence est vue comme nécessaire au dau tranh mais n'est pas son essence à proprement parler.
L'organisation doit conduire à la mobilisation puis à la motivation. La victoire va au camp le mieux organisé, qui sait le rester, et qui désorganise le mieux l'adversaire. Le stratège n'utilise jamais un "grief" véritable pour saper l'ennemi car la spontanéité est par trop imprévisible. Au contraire, il crée un grief et suit une planification préparée pour instaurer le nouvel ordre social. Le volet militaire ne se limite pas qu'à la simple action de combat : il comprend aussi les assassinats, kidnappings et tout ce qui sort de la guerre conventionnelle. C'est un programme de violence qui est toujours projeté dans son contexte politique. L'objectif stratégique est de placer le volet militaire au sein du contexte de dissidence politique de façon à ce que les ressources soient également réparties entre les deux.
Le combat politique se décline lui aussi en trois niveaux. Il y a d'abord le contrôle des villages. Pendant la guerre du Viêtnam, celui-ci vise à affaiblir la réponse militaire américaine, à provoquer des remous dans son opinion publique de façon à limiter sa marge de manoeuvre au niveau international. Il nécessite une planification et un contrôle quasi absolu pendant l'exécution. Le deuxième niveau consiste à provoquer des défections dans l'armée et le régime du Sud-Viêtnam pour l'affaiblir. Le troisième niveau, exercé par le Viêtcong, réside dans le contrôle administratif et militaire des zones libérées, pour offrir aux troupes communistes des bases sûres.
L'organisation est la clé de la mobilisation et, donc, du succès. Il s'agit de canaliser la réponse de l'adversaire et de dicter, plus ou moins, sa stratégie. Il est obligé d'agir selon des règles qui lui sont défavorables. La population devient un champ de bataille et subit la dévastation normalement dirigée sur une zone précise. Pour contrer cette stratégie, il faut le contrôle des ressources et de la population, ce qui implique d'infliger des pertes aux civils. Le dau tranh jette le trouble chez les Américains qui ont du mal à comprendre la nature de la guerre, sa conduite et le résultat envisagé. Par ailleurs, ils appréhendent mal l'ennemi.
Pour en savoir plus :
Thomas R. CARVER, "Dau Tranh", in Spencer C. TUCKER (éd.), THE ENCYCLOPEDIA OF THE VIETNAM WAR. A Political, Social, and Military History, Second Edition, ABC-Clio, 2011, p.261-262.
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