Cet
ouvrage fait partie de l'histoire officielle de l'armée américaine à
propos de l'utilisation de la puissance aérienne pendant le siège de Khe Sanh. Le général Westmoreland, le commandant en chef américain au Viêtnam, pressent en effet que le Nord-Viêtnam va tenter un second Dien Bien Phu
autour de la base. En conséquence, il prévoit d'écraser les troupes
adverses autour de la base sous un déluge de bombes, d'autant plus que
Khe Sanh se trouve dans une région isolée, peu peuplée. Au final, la
puissance aérienne américaine déverse 100 000 tonnes de bombes sur les
assiégeants tout en étant capable de ravitailler Khe Sanh pendant toutle
siège, ainsi que ses avant-postes.
Le
premier chapitre du livre présente les lieux de la bataille et ses
enjeux. L'auteur insiste en particulier sur les mauvaises conditions
climatiques du début de l'année qui noient la piste de Khe Sanh dans un
brouillard persistant. Les 834th et 315th Air Divisions
fournissent les appareils de transport C-7, C-123 et C-130 et la 3rd Air
Division les B-52. Westmoreland est persuadé que les Nord-Viêtnamiens
vont chercher à emporter la décision à Khe Sanh. Son plan aérien
s'inspire de l'expérience du siège de Con Thien, en septembre 1967 (opération Neutralize). Le président Johnson attache lui aussi de plus en plus d'importance à la base à partir de décembre 1967.
Le deuxième chapitre revient sur le précédent de Dien Bien Phu
et fait la comparaison avec Khe Sanh. Dans le premier cas, les Français
ont engagé en moyenne 200 appareils par jour. Les Américains, eux,
disposent alors en Asie du Sud-Est de 2 000 avions et de plus de 3 000
hélicoptères !
Dès le début de la bataille, les 20-21 janvier, l'aviation américaine intervient massivement pour soutenir les Marines.
La destruction du principal dépôt de munitions dès le début du
pilonnage nord-viêtnamien oblige à des ballets d'appareils de transport
pour reconstituer le stock. Après le déclenchement de l'offensive du
Têt, Westmoreland reste convaincu que le sort de la guerre continue de
se jouer autour de la base. Le mois de février sera le plus dur :
l'aviation ne peut empêcher la chute du camp des Special Forces à Lang Vei.
Le 11 février, un KC-130F chargé de kérosène, touché par la DCA,
s'écrase sur la piste. Les C-7 et C-123 assurent alors l'essentiel du
ravitaillement ; le 23 février, Khe Sanh reçoit 1 300 obus, le plus haut
total pendant le siège. La presse américaine s'enflamme et s'interroger
sur la capacité de l'armée à tenir effectivement le camp.
Ce
sont en tout plus de 240 appareils de transport qui sont engagés dans
le pont aérien. Les C-7 et C-123 atterrissent et décollent sous le feu :
un système est mis en place pour décharger au plus vite les avions de
façon à minimiser les risques. Plusieurs appareils sont néanmoins
détruits. Les C-130, eux, procèdent à des parachutages, guidés ensuite
par radar. Pour améliorer le ravitaillement et limiter la casse et la
dispersion, on met également au point des systèmes de largage et
d'extraction à basse altitude, le C-130 frôlant ou touchant la piste
pour lâcher par parachute ou non sa cargaison sur le tarmac. Un petit
détachement de l'Air Force, aidé par une Marine Party Shore Company, assure,
non sans dangers, la réception des cargaisons. Les avant-postes, sur
les collines environnant Khe Sanh, ne peuvent être ravitaillés en
revanche que par les hélicoptères. Pour les protéger d'une DCA
puissante, les Américains mettent en place le système Super Gaggles,
dans la dernière semaine de février : des A-4 attaquent les positions
de DCA et les noient sous les fumigènes, puis les CH-46 se posent
couvert par des hélicoptères gunships.
En
ce qui concerne l'appui aérien rapproché, la coopération interservices
au sein de l'armée américaine n'est pas toujours facile, mais
fonctionne. Les A-6 Intruders, grâce à leur capacité tout temps et de nuit, sont particulièrement appréciés. La Navy fournit
d'ailleurs un plus gros effort au-dessus de Khe Sanh qu'elle ne l'avait
fait à Con Thien. Les appareils escortent les transports du
ravitaillement. Les contrôleurs aériens de l'Air Force utilisent plusieurs radars différents pour guider les appareils.
Westmoreland aura pourtant les plus grandes peines du monde à désigner un responsable pour l'effort aérien. Les Marines ne veulent pas être subordonnés à l'Air Force et le font savoir. Le général Momyer, qui dirige la 7th Air Force,
doit assumer ce rôle d'après l'accord du 22 janvier, mais celui-ci ne
devient vraiment effectif qu'en mars. Le système ne prouvera son
efficacité qu'après la bataille de Khe Sanh.
Les
B-52 ont joué un rôle de poids pendant le siège. Ils interviennent dès
janvier 1968 ; après le déclenchement de la bataille, une cellule de 3
B-52 survole le camp toutes les 90 minutes. Plus tard, ce seront 6 B-52
qui se relaieront toutes les trois heures. A la fin février, les B-52
peuvent opérer à moins de 1 km des troupes amies, l'ancienne limite de 3
km ayant été mise à profit par l'adversaire. Les résultats des frappes
sont difficiles à évaluer. Les B-52 de la 3rd Air Division ont largué au moins 60 000 tonnes de bombes (!) et les prisonniers nord-viêtnamiens confirment leur importance psychologique.
La
collecte des renseignements, par utilisation de senseurs sismiques et
accoustiques dispersés préalablement autour de Khe Sanh, est l'oeuvre
d'un centre électronique de regroupement. Celui-ci permet d'effectuer
des missions Mini ou Micro-Arc Light avec l'aviation et l'artillerie pour saturer une zone suspecte de bombes ou d'obus. Les Américains utilisent aussi des mines Gravel qui
produisent des sons capables de blesser un homme ou de faire éclater
les pneus des véhicules, mais les risques de tirs fratricides conduisent
à abandonner cette arme.
Khe Sanh est finalement dégagée par l'opération Pegasus, montée par la 1st Cavalry, les Marines et
l'ARVN, qui débouche le 8 avril 1968. Les combats durent encore une
semaine autour de Khe Sanh pour reprendre le terrain perdu. Un C-130
s'écrase le 13 avril. La base est finalement abandonnée en juin 1968.
Aux 100 000 tonnes de bombes larguées pendant la bataille s'ajoute de
150 000 à 200 000 obus tirés par l'artillerie. Les Marines ont
perdu près de 200 tués et 1 600 blessés pendant le siège. Ils estiment
avoir tué au moins 10 000 soldats nord-viêtnamiens, ce qui
représenterait pas loin d'un tiers des morts estimés du Têt. Nalty
souligne pourtant combien les déclarations optimistes des responsables
américains ont été fracassés par l'offensive et le siège de Khe Sanh.
Une
bonne base, donc, pour qui s'intéresse à ce thème très précis, à
complet par d'autres lectures très savantes. L'analyse du conflit et du
siège lui-même, en revanche, est un peu datée et laisse parfois à
désirer.
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